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"The Bright Side of The Bones", l'oeuvre mortelle de Maisoon Al Saleh

Publié le par Kyradubai

"The Bright Side of The Bones", l'oeuvre mortelle de Maisoon Al Saleh

Maisoon Al Saleh descend de la Burj Khalifa dans laquelle elle travaille sur un projet collectif et traverse le Dubai Mall à pied pour rejoindre le café dans lequel nous avons rendez-vous car son atelier est en travaux. Cette jeune artiste aurait presque le don d’ubiquité tant elle exerce d’activités. Fonctionnaire le matin, artiste l’après midi, plongeon dans l’emploi du temps d’une jeune Emiratie inspirée. INTERVIEW.

Où avez-vous étudié ?

Aux Emirats. Je suis diplômée de l’école privée Al Ittihad. J’ai fait les Beaux Arts. J’ai ensuite été à l’Université Zayed où j’ai fait une spécialisation en design d’intérieur.

Vous avez vécu à l’étranger ?

Lorsque j’étais enfant mon père a fait un master aux Etats-Unis. J’ai donc été élevée là bas et ma première langue était l’anglais. Mais je suis émiratie. Je suis née ici mais éduquée aux Etats-Unis. Nous vivions entre le Michigan et Washington DC. Lorsque mon père a terminée ses études nous sommes revenus ici et j’étais encore petite fille.

Vous avez toujours voulu être artiste ?

L’art est très présent dans ma famille. Ma mère m’a raconté qu’enfant déjà, j’étais très attirée par l’art. J’aimais mes crayons de couleurs et quand on essayait de me les enlever, je pleurais. Je devais les emmener partout avec moi ainsi que mon carnet de croquis et ce, depuis petite. Vous savez mon père exerce une profession artistique, ma mère est dans la mode, ma tante est artiste…

Vous venez d’une famille où l’art est donc accepté et valorisé en tant que profession ?

Oui, j’ai été éduqué avec les arts.

Pourriez-vous vous définir ? Votre caractère, votre travail…

(ndlr : Maisoon met du temps à répondre à la question. Elle n’en comprend pas le sens.) J’ai un grand sens de l’humour et il y a de l’ironie dans mon travail. Les squelettes posent et sourient aux gens qui les regardent. Ils ont ce sens de l’humour qui transparait dans leur attitude.

Comment se fait-il qu’une jeune personne comme vous (ndlr : Maisoon a 25 ans) soit si fascinée par la mort ? La mort est prédominante dans votre oeuvre…

Je voulais montrer un autre aspect de la mort car généralement les gens ne voient que le côté négatif. Je voulais l’aborder d’une façon plus positive. Je montre des scènes de la vie en société, soit en imitant des célébrités, soit en montrant comment la mort les affecterait. Des gens m’ont soit raconté comment certains avaient été touchés par la mort ou j’ai lu des choses dans les journaux… Je voulais que cela se reflète dans mes oeuvres pour que les gens y repensent en les voyant.

Parlez-vous librement de la mort dans votre culture ? Ou est-ce tabou comme cela peut l’être aux Etats-Unis ?

Nous en parlons librement.

Dubai est une ville très tournée vers la vie, la jouissance de la vie, la consommation. La mort n’est pas tellement quelque chose de visible ici ?

Cela nous arrive à tous alors pourquoi ne pas affronter cette réalité ? Au bout du compte, tout le monde meurt.

Vos œuvres symbolisent-elles la mort d'une partie de vos traditions en raison de toute cette modernité et des influences extérieures ?

Je ne fais pas ce lien entre ma culture et mon travail.

Vous êtes juste fascinée par la mort en soi ?

Oui. Et le sens de l’humour pour en apaiser le concept. Quand les gens regardent mes œuvres, que d’autres cultures les reçoivent, ils font un pas en arrière. Mais dès qu’ils perçoivent l’humour, vous les voyez pénétrer dedans et rire et poser des questions, essayer d’en savoir plus et la curiosité vient. D’après ce qui m’est rapporté, les gens interprètent mon travail de façon trop dramatique. J’ai fait cela d’un angle totalement différent. Même si ça reste sérieux.

Pourriez-vous décrire vos différentes séries ?

J’en ai deux. « The bright side of the bones » avec les squelettes, qui est terminée. L’autre s’appelle « Dara series ». Je suis la première émiratie à avoir obtenu sa licence de plongée. Je plonge en haute mer à la découverte d’épaves et je peins sous l’eau. Mon travail sera exposé lors d’un Solo show le 12 mars à la ARA Gallery, Downtown Dubai.

Comment vous est venue cette idée ?

Je savais qu’il y avait des épaves et un avion coulé quelque part dans la région alors j’ai passé ma licence de plongée pour aller voir cela de plus près et peindre sous l’eau. C’est un mélange car ce travail est emprunt de sérénité et en même temps je suis face à quelque chose de très concret en face de moi. Mon imagination prend le dessus sur ce qui se joue juste devant moi.

C’est aussi un héritage de votre culture : les pêcheurs de perles. Combien d’entre eux sont morts en plongeant pour aller récupérer ce qui était l’un des principaux revenus à l’époque ?

Oui cela en fait partie. D’ailleurs en plongeant, il m’est arrivé un ou deux incidents. Un peu comparable aux pêcheurs de perle. Dans mon cas, c’était plus un manque d’oxygène. Au même moment mon masque s’est rempli d’eau et je suffoquais. J’ai mis un moment avant de récupérer mon calme. J’ai vraiment cru que j’y restais car j’étais à 18 mètres de profondeur. C’est arrivé soudainement alors que je descendais. Je me suis propulsée vers le haut pour respirer mais mon binôme m’a attrapée afin que je ne monte pas trop vite pour éviter des problèmes de dépressurisation. J’ai eu de la chance. Non, vraiment.

Vous avez vraiment ressenti ce que les pêcheurs de perle vivaient ?

Oui j’ai ressenti leur lutte.

Vous documentez votre travail ?

Je me suis concentrée sur les 40 personnes qui sont mortes sur le Dara, l’épave du bateau, les choses qui étaient devant mes yeux. Raconter leur histoire à travers mon travail.

Quelle est l’histoire du Dara ?

On l’appelle le Titanic de Khalij. Le moteur a explosé et les passagers ont essayé de s’échapper. Ce qui est drôle c’est que mon grand père et mon oncle étaient sur ce bateau mais que je ne le savais pas. J’ai parlé à mon grand père de ce projet et il s’est exclamé « J’étais sur ce bateau » et je ne pouvais y croire. Donc j’ai eu la version live grâce à lui. Et il y avait des contradictions entre sa version et ce que j’ai lu sur internet. Tout n’est pas vrai sur internet.

Quelles leçons en avez-vous tirées ?

Le bateau transportait de l’argent. Il venait d’Inde et cheminait vers les pays du Golfe. C’est un bateau qui a été construit entre l’Inde et le Royaume Uni. Il a coulé entre Dubai et Abu Dhabi.

Combien de fois avez-vous plongé pour le dessiner ?

Je plonge 45 minutes puis je dois remonter et me reposer donc je ne peux pas finir ce projet en une fois. J’y suis allée beaucoup de fois, je ne sais même plus combien. Je suis toujours en phase de création et mon agent sélectionnera ce que l’on montrera à l’expo.

En quoi votre culture imprègne votre oeuvre ?

La plupart de mes œuvres sont liées à la culture des Emirats, notre héritage. Vous avez remarqué que nous portons le voile et l’habaya et dans mon œuvre vous voyez des éléments de cette culture. Ils sont intégrés dans mon œuvre.

Vous portez toujours l’habaya en public ?

Lorsque je voyage je ne porte qu’un voile et quand je travaille au studio je suis soit en habaya soit en manteau arabe avec le voile.

Et sous l’eau comment faites-vous ?

J’ai une partenaire de plongée femme et on ne voit jamais la partie supérieure de mon corps. J’ai des vidéos de moi travaillant où l’on voit mes cheveux et mon visage mais lorsque je les poste sur YouTube ou sur des sites publics je les coupe.

Pourquoi est-ce important pour vous de vous voiler ?

Pour des raisons religieuses. Je suis croyante.

Diriez-vous que vous venez d’une famille traditionnelle ?

Oui. Ma famille vient de Ras al Keima, un endroit qui s’appelle Al Rams. Avant l’Union, ma famille a déménagé à Dubai. Mon arrière grand père était le chef d’une partie d‘Al Rams. Nous avons un château là bas. Nous étions une tribu, Al Tunaiji.

Avez-vous l’impression de faire partie d’une jeune génération d’artistes ici ?

Nous ne nous fréquentons pas et nous travaillons de façon indépendante.

Vous avez des amis artistes ?

Oui mais on se voit à des évènements ou sur Facebook et Twitter.

Avez-vous une résidence d’artiste ?

Non et je n’aime pas être attachée à un endroit. J’ai mon atelier. J’aime ma liberté. Même avec les galeries avec lesquelles je travaille, je ne signe pas de contrat. Je suis comme ça.

Quel artiste est-il un modèle pour vous ? Qui admirez-vous ?

Damien Hirst. Il existe des similitudes entre mon travail et le sien. Quand je lis des choses sur lui, je n’arrête pas de me souvenir de choses que j’ai faites dans mon enfance. C’est plus une attitude.

Sentez-vous une différence du fait d’être une femme en tant qu’artiste ?

J’ai autant de liberté qu’un homme. Je ne ressens aucune différence.

Quel est votre rêve ?

Avancer dans ma carrière. Je ne me suis jamais installée sur ce que j’ai accompli. Je veux toujours en faire plus.

Vous avez été beaucoup exposée à l’étranger ?

Aux Etats-Unis, en Espagne, en Grèce, en Italie et je viens juste d’avoir un solo show à Singapour.

Vivez-vous de votre art ?

Oui mais je travaille en même temps au département de la communication du ministère de l’Economie.

Que faites-vous à la Burj Khalifa ?

Nous travaillons sur un projet qui s’appelle « Work at the top». Nous sommes une poignée d’artistes à travailler sur ces sculptures de la Burj Khalifa qui sont mises à notre disposition. Le vernissage aura lieu le 12 janvier je ne sais pas encore où.

Où trouvez-vous vos idées ?

Je les trouve dans mon entourage et j’en ai sans cesse ! En fait, je n’ai pas le temps de tout réaliser !

Pour plus d’infos :

Le site de Maisoon Al Saleh

http://www.punkarabia.com/

Dara project

http://www.punkarabia.com/news.html

Avec Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, Premier Ministre et ruler de Dubai et Vice Président des Emirats Arabes, à Sikka Art Fair Dubai

http://www.punkarabia.com/exhibitions/gallery.html

"The Bright Side of The Bones", l'oeuvre mortelle de Maisoon Al Saleh
"The Bright Side of The Bones", l'oeuvre mortelle de Maisoon Al Saleh
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