Sara Al Quwaini, première soprano des Emirats
La musique pour passion
Elle a étudié la chimie, les relations internationales, s’intéresse au statut de la femme dans les pays arabes et est la première femme à chanter de l’opéra. Alors forcément Sara Al Quwaini méritait toute notre attention. PORTRAIT d’une jeune femme aussi ravissante que talentueuse qui intrigue et déstabilise.
Quand avez-vous commencé à chanter ?
J’ai commencé par le piano. C’était le seul instrument disponible dans ma première école. Puis j’ai changé d’école et il y avait une violoniste. J’ai donc commencé le violon. J’ai toujours aimé chanter mais je ne voyais pas vraiment cela comme un instrument. Chaque année nous avions des examens de musiques et une partie consistait en des exercices de chant. J’aimais bien ça. Je jouais aussi dans des pièces à l’école. C’est là que j’ai réalisé que j’aimais vraiment chanter. Mais je n’envisageais pas de formation. La directrice du département de musique de l’école était une chanteuse d’opéra américaine à la retraite. C’est elle qui a remarqué que j’avais une voix « intéressante ». Mais je n’avais que dix ans et il fallait voir comment le ton de ma voix se développerait. Lorsque j’ai eu mes 15 ans, elle a suggéré que je n’étudie plus seulement le violon mais le chant aussi. Et j’ai trouvé bien plus intéressant de chanter tous ces airs plutôt qu’étudier toutes ces gammes. C’était moins sérieux et discipliné que le violon ! Bien sûr ce sont tous deux des instruments mais je l’ai seulement compris lorsque je suis venue à Londres.
Comment votre professeur décrivait-elle votre voix ?
Elle garde cette image de moi à neuf ans, sortant du rang lors d’une audition en disant que je ne connais aucune chanson. Elle m’a répondu que je devais forcément connaître une chanson, au moins l’hymne national. Une petite voix s’est mise à le chanter (Sara chante l’hymne national). Une voix très claire, douce, légère. Mais je n’étais qu’une enfant. Elle a tout de même perçu la faculté émotionnelle, qu’on a ou qu’on n’a pas. Elle m’a demandé d’interpréter une petite comédie musicale « Sleeping mandolin » et elle a alors réalisé que j’avais la voix et la connexion émotionnelle, cette compétence en plus qui donne envie au public de vous écouter. Elle vous donne la possibilité d’exprimer les émotions complexes de notre genre de musique. Lorsque ma voix commençait à devenir mature, vers 15 ans, elle m’a conseillé d’étudier le chant. J’ai passé un examen international qui m’a semblé semble en comparaison du travail à fournir pour le violon. J’ai fini par arrêter le violon quand je suis entrée à l’université. Mon professeur de violon reste la personne qui m’a le plus inspirée dans ma musique mais tout le monde voulait m’entendre donc le chant a pris le dessus.
Comment vos parents ont-ils réagi ?
A l’école, cela ne les dérangeait pas. Ce n’était qu’un passe-temps. Ils voyaient que j’étais douée pour une enfant. Ils voyaient aussi que j’aim ais ça malgré que je détestais les représentations. Ils ne prenaient pas cela au sérieux. C’est seulement quand ma prof leur a dit que je devrais sérieusement songer à étudier le chant que c’est devenu un problème. Culturellement c’était difficile.
Pourquoi ?
Ce n’est pas une voie ordinaire pour une femme dans cette région du monde. Et dans le monde en général. Les gens ne comprennent pas vraiment en quoi consiste la vie d’une chanteuse d’opéra. Les gens pensent qu’il s’agit avant tout de performance et font des amalgames. Ma mère a pensé qu’en tant qu’artiste, il me faudrait lutter toute ma vie. Tous les parents sont comme ça, même les artistes selon le succès obtenu dans leur carrière. Ma mère m’a demandé si je serai la meilleure sinon je n’aurais pas une belle vie. Mon père, lui, avait des raisons plus traditionnelles et a juste dit que ce n’était pas une option. Chanter n’est pas considéré comme une profession dans cette partie du monde. Il comprend qu’en Europe il y ait de la place pour les meilleures chanteuses mais pas ici. Les gens ne comprennent pas ce que c’est. Il faut travailler à l’étranger. Bref, il y avait tant de « si ». A 17 ans on n’est pas sûr. Les parlent de désir brûlant de vouloir faire ce métier. Je n’ai pas ressenti cela. Je crois que je n’avais pas assez confiance en moi. J’avais ce feu dans mon ventre mais je ne savais pas très bine ce que c’était. Et si tout le monde vous dit que ce n’est pas une bon e idée, peut-être ne l’est-ce pas ? Alors je suis partie pour l’Imperial College de Londres étudier la chimie ! Mais il s’est trouvé qu’il est dos à dos avec le Royal College of Music !
Le destin vous appellait ?
Oui, c’est très drôle. Ma prof de musique leur a envoyé une lettre avec un enregistrement. Le directeur de chant a entendu la cassette et m’a obtenu une audition. J’y suis allée deux fois en disant que j’étais malade mais ils n’étaient pas dupes de ma nervosité. C’était vraiment angoissant. J’entendais les gens jouer de leur instrument, chanter. Cela me semblait naturel. Génial.
Mais en écho il y avait ce que vos parents vous avaient déconseillé ?
Oui et vous vous sentez d’autant plus amoindrie. Je me suis convaincue que c’était bien d’étudier cette horrible matière utile qu’est la chimie que je déteste. Mais j’ai obtenu ma licence en chimie d’une très bonne université même si je ne sais pas quoi en faire ! (Sara éclate de rire). Il a ensuite fallu que je prenne une décision car je n’avais pas les moyens de vivre à Londres sans travailler.
Qu’avez-vous décidé ?
Je suis rentrée à Dubaï et j’ai commencé à travailler dans une banque. Ma mère m’a proposé de financer mes études de musique si j’étais vraiment décidée mais j’avais 21 ans et je n’étais pas prête. Tous mes amis trouvaient du travail. Je n’avais pas fait de musique sérieusement depuis quatre ans. Mais mon job ici a fait le travail. J’y ai passé deux années détestable. Je m’intéressais aussi beaucoup à l’histoire et à la politique de la région. Et je me suis dit que je pourrais enfin étudier quelque chose qui me plaise et pour lequel j’aurais un soutien académique. J’ai fait un masters en relations internationales. Dans le même temps, je me suis dit que je ferai des auditions et que je verrais ce qu’il adviendrait du chant. Cela n’a jamais été une décision consciente. Cela s’est passé à un niveau subconscient. Je savais que je devais être là. Que je devais être formée avec les meilleurs.
Vous êtes allée jusqu’au doctorat donc ce n’était pas juste une excuse pour faire de la musique ?
Tout à fait. Je m’intéresse vraiment à mes études.
Quel est le sujet de votre thèse ?
L’histoire des femmes au Moyen-Orient mais plus spécifiquement en Egypte et en Iran ces cent dernières années. J’étudie le nationalisme, les révolutions et le rôle des femmes quand elles sont politisées comme groupe et pourquoi. Si un mouvement féministe authentique existe encore suite aux récents évènements et à leur développement.
Etes-vous critiquée ?
Certaines personnes soulignent que je défends les droits de la femme dans beaucoup de mes activités y compris comme performeuse. Cela dramatise plus les choses que la réalité ! Je ne crois pas qu’il y ait de lien entre mon étude des droits des femmes et mes performances. Il n’y est pas du tout question de déclaration politique. Mais lorsque quelqu’un est attiré par quelque chose qui n’est pas la norme, cela pose question, suscite des réactions, des opinions. C’est très bien dans une société qui se développe. Il est important que des gens jouent ce rôle.
Vous sentez-vous en opposition avec votre culture ? La bousculez-vous ?
Je ne crois pas que je la bouscule car notre culture évolue. C’est probablement bien pour moi. Mes parents que personne ne comprendraient ,que ce n’était pas une profession, même pas un semi profession. A cet stade, c’est tout à fait faisable. Peut être lorsque j’ai commencé il y a dix ans, les choses étaient différentes mais aujourd’hui cela a fait son chemin.
Cela évolue ?
Pas complètement. Mais je crois qu’il y a un vrai intérêt des Emiriens et surtout des femmes qui viennent à mes concerts. Elles aiment la musique et s’intéressent à l’histoire de la musique. Je ne savais même pas qu’il existait un groupe de femmes qui faisaient des compétitions avec leurs instruments à Abu Dhabi et aimaient faire des spectacles. C’est génial !
En quoi est-ce en contradiction avec votre culture ?
La musique fait partie de toutes les cultures ainsi que les performances. Il s’agit plutôt de comment les gens perçoivent les femmes qui se mettent en scène. Elles sont vues de façon très négatives et associées à du divertissement pur. A part quelques exceptions comme Oum Khaltoum, La représentation au Moyen-Orient consiste à divertir le public : chanter pour un événement culturel, une fête ou un mariage. Et cela n’a rien à voir avec ce que nous faisons. Les questions que les gens m’ont posées à la suite de mon spectacle sont hilarantes. C’était des questions très techniques sur la façon dont j’arrivais à reprendre ma respiration tout en continuant à chanter par exemple. On pose ce genre de questions quand on essaye de comprendre quelque chose et c’est super car ils comprennent même mieux que certains Européens.
Combien de temps consacrez-vous au chant ?
Avec ma thèse, pas tellement. Deux à trois fois par semaine au moins et en tous cas une séance technique.
Quel est votre plus souvenir de chant ?
Probablement lorsque, petite fille, j’ai interprété la bonne fée dans The Wizard of Oz. J’étais si heureuse. Je ne savais pas pourquoi ! Tous ces enfants déguisés dans des costumes si moches et j’avais une robe tellement laide ! Mais pour chaque interprète, il y a un tel moment peu importe la simplicité de la situation. Il y a quelque chose qui fait tilt dans votre tête et tout fait soudain sens.
Et comme professionnelle ?
Le dernier concert à la Sorbonne à Abu Dhabi avec Hugues Leclerc et l’Institut Français. J’ai chanté des chansons en français de Debussy et Fauré. Je ne m’attendais pas à un tel accueil du public. Ce ne sont pas de grands arias. Mais tant de gens sont venus et ont aimé. Une petite Emirienne de sept ans, qui s’appelle Sara comme moi, avait préparé toutes ces questions à me poser après le concert. Elle en a même fait une présentation devant sa classe.
Dans quelle langue préférez-vous chanter ?
Toutes. Elles sont toutes formidables pour des raisons différentes et représentent différents défis. On travaille avec des coaches pour nous assurer de bien prononcer les mots. Ensuite, vous le chantez. Chanter et parler sont deux choses très différentes. Car on ne peut pas compromettre la qualité sonore en chantant. Je travaille avec des coaches italiens et allemands.
Chantez-vous en arabe ?
Non. Il n’y a pas d’opéras et de compositeurs en arabe. Il m’est arrivé de chanter une chanson en arabe mais je ne m’entraîne pas et ce n’est pas mon répertoire.
Vous êtes devenue connue aux EAU. Vous avez même chanté pour le 39ème anniversaire du pays ?
A Burj Khalifa. C’était mes débuts avec le public des Emirats. J’étudiais à Londres et je ne donnais pas de représentation ici. C’était la première fois que je me retrouvais devant un énorme public ici. Ils cherchaient un artiste local pour la fête nationale. Ils cherchaient des musiciens et lorsque je leur ai dit que j’étais chanteuse d’opéra, ils ont sauté sur l’occasion et m’ont dit qu’ils écriraient un morceau pour moi ! Mon Dieu ! Un morceau pour Sheikh Khalifa qu’ils traduiraient en anglais. Le compositeur a fait du beau travail mais il ne savait pas vraiment comment écrire pour une voix. Il y avait des sauts d’octaves énormes ce qui n’est vraiment pas facile à chanter. Cela allait du plus aigu de mes possibilités aux plus basses. Cela a finalement fonctionné. Je chantais avec un chœur d’enfants. Ma mère m’a convaincue de chanter un air d’opéra afin que les gens sachent que c’est ce que je savais faire. On l’a incorporé au spectacle. Malheureusement j’avais une laryngite…
Et tout le pays vous regardait ?
Oui, enfin je n’y pensais pas… J’avais perdu ma capacité à chanter doucement car ma voix était abîmée par la toux. Mais cela s’est vraiment bien passé. J’étais sur scène et je me demandais ce que je faisais là ! Je portais notre abaaya traditionnelle et la shayla que je porte pas habituellement et je me demandais comment je réussirais à chanter dans ces vêtements. Mais une fois sur scène, la musique a démarré et c’était ok. Je ne planais pas mais j’étais présente. Je me souviens des applaudissements avant la fin de l’air et de leur force et je me suis dit : « Bon, c’est bien. Je me suis dis que ce devait être les expats… Les locaux doivent penser que c’est bizarre. Mais en descendant de la scène, tous les policiers en charge de la sécurité se sont levés pour applaudir. Ils ne savaient pas que j’étais arabe. C’était vraiment émouvant. De nombreuses jeunes femmes sont venues me féliciter. Puis une femme en niqab est arrivée et je me suis dit : « Ok, vas-y dis moi ce que tu as à me reprocher… »
Que pensiez-vous qu’elle vous dirait ?
« Que fais-tu ? Pourquoi te mets tu en scène ? Qu’est ce que c’était que ça ? C’était bizarre. Les filles ne doivent pas se comporter ainsi… » C’était très ignorant et étroit de ma part. Je ne pouvais qu’entendre sa voix. Elle avait la cinquantaine. Elle m’a félicitée, me disant combien elle était fière et n’avait jamais entendu quelque chose de similaire auparavant.
Les femmes semblent avoir dépassé la controverse sur le voile ici ?
Il fait partie de notre culture. C’est notre habit traditionnel et je pense que c’est un très beau vêtement. Je crois qu’envisager le voile comme une barrière a changé. Je pense plutôt à l’opinion internationale évidemment car les femmes elles-mêmes ne l’ont jamais envisagé comme un obstacle les empêchant de faire des choses. L’histoire de cette région, son exposition à autre chose, si on compare avec d’autres pays, cela a joué. Regardez le développement réalisé en quelques années. Les hommes et les femmes d’ici sont extraordinaires dans la rapidité à laquelle ils s’adaptent et la flexibilité dont ils ont fait preuve. Je ne connais pas d’autres exemples de peuples d’accord d’accepter toutes ces idées tout en essayant de conserver leur culture et leur héritage. Ils y accordent beaucoup d’importance. Et l’habillement a beaucoup à voir avec ça. C’est une vraie fierté : c’est notre abaaya et cela ne ressemble pas au reste. Et il y a aussi tous ces stylistes qui essayent de la moderniser. J’en ai porté quelques unes et je les aime beaucoup et je trouve cela très joli. Mais je n’ai jamais voulu non plus que cela devienne un gadget. Je ne le porte pas quotidiennement. Ma mère est iranienne et je n’ai pas grandi en voyant des abaaya dans la maison. On se promène en T-shirts et dans toutes sortes de vêtements. Je n’ai pas voulu donner l’impression que j’étais la première chanteuse d’opéra voilée car ce n’est pas le cas. La situation idéale serait que la prochaine fois que quelqu’un regarde une chanteuse chanter habillée en abaaya et en shayla, il oublie l’abaaya et la shayla pour ne plus remarquer que le chant. Voilà de quoi il s’agit. Mais nous n’en sommes pas encore là. Les choses vont se développer. Il faut des campagnes d’éducation.
Tout dépend du regard porté sur la femme ?
Cela n‘a rien à voir avec le vêtement. Cela dépend de la personne qui vous regarde et de sa mentalité. S’ils vous regardent de la bonne façon ou de la mauvaise. Ce que je trouve hors de propos c’est cette limite qui est imposée par la société et pas par les femmes elles-mêmes, surtout dans une société dominée par les hommes. C’est le problème. J’en fais aussi l’expérience dans la musique. Les femmes occupent tous les postes et il ne devrait même plus être question de qui ou quoi est sur scène. Il ne devrait y avoir aucune limite sur ce que les femmes font sur scène sinon vous aurez ce type de comportement tout du long : que vous soyez médecin, ministre, vous aurez aussi ces règles car c’est ce qui vous lie en tant que membre du même sexe. C’est la dernière frontière : regarder une femme dans un décor artistique, dans une mise en scène, qu’elle soit ballerine, actrice, chanteuse d’opéra, comme une artiste professionnelle et pas comme une femme. Oublier son sexe qui n’est pas l’essentiel et comprendre qu’il ne s’agit pas d’une attaque de quelque nature.
Y a–t-il plus de sacrifices à faire en tant que femme ?
En tant que femme dans cette région, nous avons plus de défis, à 100%. Nous partageons les défis habituels. Du fait de la présence d’une énorme communauté d’expatriés, notre société est très différente des autres. Nous sommes très patriotiques. Nous avons aussi des soucis au niveau social sur notre rôle et nous questionnons certaines idées traditionnelles au sujet de ce que nous sommes censées faire. Mais nous sommes aussi un peuple plus tourné vers les affaires domestiques. Quoi que vous fassiez, vous faites partie d’une famille, vous en êtes un membre. Sinon quelque chose ne va pas. Ce qui est positif c’est que cela s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Dès un certain âge, vous êtes confronté à cette question : « Que fais-tu ? » qui s’applique d’ailleurs aussi aux femmes européennes. Dans les pays occidentaux, il y a encore plus un double standard : c’est un homme, il peut prendre son temps. A part ça, il s’agit de briser certains de ces stéréotypes. J’ai été d’ailleurs surprise par certains Emiriens qui ne pensent pas comme on s’y attend. On assume qu’n va être jugées parce qu’on ne porte pas l’abaaya et ce n’est pas le cas, etc. Cela dépend de la personne, de son éducation et de son milieu. Je n’ai pas cherché à bousculer délibérément des choses qui m’ont frustrées, je les ai gérées de façon personnelle. J’ai fait des choix. Je me suis battue contre les choses qui me déplaisaient.
Quelles étaient-elles ? Qu’est ce qui vous frustrait ?
Le fait que les femmes doivent se comporter d’une certaine façon. Que notre vie sociale doit être différente. Qu’être sur scène n’est pas considéré comme une chose respectable. Cela dépend de ce que vous y faites. Vous pouvez travailler dans une banque et manquer totalement de respect. Je l’ai constaté de la part de certaines filles lorsque j’y travaillais. Certaines étaient là pour les fréquentations. C’est la même chose dans toutes les professions : certaines personnes sont sérieuses et d’autres se cherchent un débouché.
Avez-vous l’impression d’ouvrir les portes pour d’autres ?
Je n’en ai jamais eu l’impression mais si cela permet de poser les bonnes questions et d’offrir plus d’opportunités, j’en serai extrêmement heureuse. Je n’ai pas ça pour ouvrir des possibilités aux autres femmes : j’aimerais être aussi importante !
Qu’avez-vous constaté au sujet des droits des femmes en travaillant sur votre thèse en Egypte et en Iran ?
J’avais un tas d’idées et soudain il y a les manifestations en Iran et j’ai du tout repenser. Le plus intéressant est de voir que les droits des femmes sont associés au nationalisme dans notre région. En Occident, il existe de vrais syndicats féministes basés sur les droits humains quoi qu’il arrive. Dans notre région, c’est lié au régime ou à l’idéologie politique. Une féministe associée à un groupe socialiste va se heurter à une féministe d’un groupe de droite qui se heurtera à une féministe d’un groupe conservateur/islamiste. Ils ne sont pas unis derrière la notion de droits de l’homme.
Certaines universitaires m’ont fait comprendre qu’elles n’étaient pas forcément favorables aux mêmes droits pour les femmes qu’en Occident. Ces droits ne sont-ils pas universels ?
C’est la norme de pensée que vous trouverez. A mon sens, peu importe différent si il y a beaucoup. Mais ne nous dites pas différent pour qu’on en aie finalement moins car sinon vous vous trompez. Elles disent qu’elles ne veulent pas de certains droits. Ok, alors ne l’exercez pas mais laissez les autres femmes l’avoir. Lorsqu’il y a des règles qui limitent ce que vous avez le droit de faire, vous avez un problème.
Quelles sont les choses à améliorer pour les femmes aux EAU ?
Je pense qu’elles s’améliorent. Nos dirigeants ont toujours vu ce dont les femmes étaient capables. Les femmes de cette région sont très concentrées, et capables de tout faire. Ce qu’elles ont accompli… Elles se consacrent et à leurs familles et à leurs professions. Elles sont ouvertes et solidaires. Il y a une énergie à s’entraider et cette unité, cette étincelle les aide à réussir. La famille ou certains comportements dictés par la société rend encore difficile l’accès à leur secteur d’activité à certaines d’entre elles. S j’avais décidé d’être violoniste, je ne pense pas qu’il y aurait eu une réponse aussi négative et une telle controverse. Le fait d’être publiquement regardée est un souci. Cachée derrière un piano ou un violon est toléré mais chanter sur le devant de la scène pose encore des problèmes à certains. C’est ce qui doit changer. Ne me regardez pas moi mais ce qui se passe. Si vous ne voyez que les jambes des athlètes féminines, alors rentrez chez vous et remettez vous en question. Ce sont les mêmes personnes.
Comment expliquez-vous ce succès si rapide des femmes ici ?
Historiquement, elles n’ont jamais été socialement complaisantes. Elles ne se sont jamais contentées de rester assises dans leur salon. Elles ont toujours été très impliquées dans leurs communautés. Elles avaient parfois des rôles très actifs et ce sont de très petites communautés donc il y avait beaucoup à faire- Ce n’est pas la même chose en Egypte où il y a une longue tradition de femmes dans les harems. Les femmes étaient impliquées ici et elles avaient des droits. Elles n’ont jamais été isolées. Elles ont toujours partagé les responsabilités et maintenant que la société change, c’est toujours le cas. Elles sont passées de partager à diriger et plus encore. Elles veulent les premières en ci et en ça. C’est une question d’ambition et je ne sais pas si cela vient de leur éducation, d’une inspiration sociale… On veut aussi contribuer.
Comment gérez-vous cette double vie entre le chant et votre PHD ?
C’est dur et il faudra que je fasse un choix à la fin de l’année.
Qu’est ce qui vous manque quand vous êtes à l’étranger ?
Ma famille et mes amis. Les endroits ne me manquent pas vraiment. Nous vivons dans une société capitaliste. Comment Starbucks peut-il vous manquer ?! Mais le voisinage, ma mère, mon père…
Vous êtes la seule fille ?
Oui et la plus âgée d’un an. Mon père a beaucoup plus accepté ce que je fis après ma performance au Carnegie Hall de New York. Il a réalisé que ce n’était pas qu’un passe temps. Il y avait de grands musiciens de partout. Les chanteurs d’opéra, les musiciens, l’orchestre étaient bons. Subitement, j’étais affiliée à eux. Mon dernier concert était à l’Opéra Garnier et il en connaît le prestige. C’est encore un peu difficile pour lui d’accepter que je soies chanteuse professionnelle. Il est à la retraite, il travaillait dans un ministère.