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DOSSIER SPORT: La course de fond du Sharjah Ladies Club à faire du sport féminin une évidence

Publié le par Kyradubai

DOSSIER SPORT: La course de fond du Sharjah Ladies Club à faire du sport féminin une évidence

Nada Abdul Razaq Askar, directrice du Département des sports des femmes du Ladies Club de Sharjah, explique l'action menée par Sheikha Jawaher bint Mohammed Al Qassimi et son équipe pour faire évoluer les mentallités et leur ambition pour la nouvelle génération de sportives. INTERVIEW

En quoi Sheikha Jawaher a-t-elle œuvré pour les femmes et le sport ?

Son Excellence a eu, la première, l’idée d’un club uniquement consacré aux femmes et ainsi le Sharjah Ladies Club a vu le jour en 1982. Elle a toujours soutenu le sport pour les femmes. Elle est aussi à l’origine de la première équipe de volleyball en 1993. Nous sommes le premier Club du pays et même des pays du Golfe à avoir des équipes. Le Club a débuté avec trois sports: le volleyball, le basketball et le tennis de table. En 1997, nous avons organisé le premier tournoi du Golfe qui a lieu tous les deux ans depuis. Nous avons ajouté le karaté et le tir. Notre ambition est d’arriver à huit sports en compétition dans les pays du Golfe. Nous voulons aussi participer aux tournois internationaux. Nous avons également organisé les championnats des pays arabes –sorte de jeux olympiques régionaux- l’année dernière pour cinq sports. Ce sont toutes les réalisations du département des sports femmes de Sheikha Jawaher.

Quelle vision avez-vous en tant que directrice du département ?

L’idée est de se développer et asseoir ce département afin de promouvoir la place des femmes dans le sport. En 2009, nous avons reçu le premier prix du concours des organisations locales. Nous proposons huit sports à présent et avons ouvert le premier hall de tir pour femmes des E.A.U. Je voudrais aussi que nous fassions partie du Comité olympique et que nous participions aux tournois olympiques.

Comment êtes-vous devenue directrice du Départements des sports femmes ?

J’ai commencé comme bénévole en 2003 pour organiser le tournoi des pays du Golfe. En 2008, nous avons créé le Département et son Excellence m’a choisie pour le diriger.

Quelle est votre mission ?

Participer aux J.O. 2016 au Brésil. Il faudra beaucoup s’entraîner et planifier afin d’avoir des joueuses qualifiées. Il faudra aussi travailler à changer la culture des femmes aux E.A.U., à l’approbation par la société de la présence des femmes dans le sport. Depuis que nous avons commencé, les choses ont beaucoup évolué. Avant 2005, les hommes et la société n’acceptaient pas que les femmes fassent du sport. Seuls quelques exceptions le toléraient. Grâce à nos hauts dirigeants qui soutiennent les sportives et croient aux femmes, nous avons vu fleurir des comités, des départements et un soutien académique en faveur des femmes dans le sport à Dubai, Abu Dhabi ou Sharjah. C’est une très bonne chose aux E.A.U. Mais il nous faut encore plus de soutien de la part des hommes et des médias. Si mon père et mon frère me m’épaulent, je réussirais mieux que si je suis seule à lutter.

Qu’est ce qui pose encore problème ? L’habillement, par exemple?

Des questions traditionnelles… Si une femme veut jouer, elle le peut mais dans un environnement de femmes uniquement. Elle ne doit pas apparaître dans les magazines ou à la télévision en habits de sports. Elle doit se montrer en conformité avec la culture et l’Islam: sa tenue de sport est adaptée et elle met le hijab, de longues manches, de longues jupes, etc… Grâce aux changements dans notre culture, certaines familles acceptent que leurs filles jouent sans. Lors de chaque tournoi, nous demandons la permission des parents. Certains acceptent. Le dernier tournoi des pays arabes était couvert par les média. C’était même du live.

Et qu’en est-il des déplacements seules à l’étranger ?

C’était une préoccupation mais nous participons maintenant à des tournois où des hommes sont présents. Les familles savent que nous prenons soin de leurs filles. Elles sont plus concernées par leurs études lorsque les filles ont des examens en même temps.

Existe-t-il encore des sports que les filles ne peuvent pratiquer ?

La natation est encore un peu difficile. Ce n’est pas encore vraiment accepté que des filles pratiquent ce sport en raison des maillots de bain. La gymnastique et même le tennis peuvent poser problème. Les mini jupes que vous voyez dans les tournois internationaux… Et c’est quelque chose que nous ne pouvons pas changer. Cela prendra un peu de temps mais je crois que cela finira par être toléré. Bientôt nous aurons une équipe de tennis féminine. Les filles y jouent déjà comme hobby.

Quels sports sont traditionnellement populaires aux E.A.U ?

Les Emiratis aiment les sports d’équipe. Ils adorent le basket et le volleyball. Nous avons maintenant une grande équipe de tir car il est plus facile rapide de gagner une médaille seul. Le tir à l’arc est encore un sport très nouveau ici. Mais nous avons déjà 15 filles qui le pratiquent. Sinon, les sports traditionnels sont la chasse aux oiseaux, les courses de chameaux et de chevaux, de bateaux, et la fauconnerie.

L’Islam encourage-t-il les femmes à pratiquer le sport?

L’Islam soutient le sport des femmes. Dans le Coran, vous pouvez lire que des femmes montent à cheval et pratiquent le tir à l’arc. Il y a des femmes dans l’armée et c’est sain pour les femmes de faire du sport.

Les filles s’arrêtent-elles de faire du sport quand elles se marient et ont des bébés ?

Certaines continuent mais la plupart arrêtent à cause de leurs maris, des bébés, de la nouvelle vie, ce qui est une erreur. Dans notre équipe de tir la plupart des femmes sont mariées et elles s’entraînent même enceinte ! Je dis toujours aux filles « il s’agit de vous et pas de vos maris ». Vous devez en discuter sinon elles sont stoppées en plein dans leur essor. Cela fait partie de notre culture et c’est quelque chose que nous devons changer. Je viens moi-même de me fiancer et avant de m’engager j’ai dit à mon futur mari : « C’est qui je suis. Je voyage, je travaille. Je ne changerais jamais ma vie. » Je lui ai dit : « Pour toi je ferai n’importe quoi mais j’espère que nous pouvons tous deux accepter nos futures vies ». J’espère que les membres de notre société vont commencer à penser ainsi. Les rapports hommes-femmes sont encore très traditionnels. Mais ici à Sharjah nous nous ommes ouverts plus vite que dans d’autres émirats car son Excellence et notre gouvernement croient au changement pour les femmes et soutiennent la présence des femmes dans les conseils gouvernementaux et dans des postes de prise de décision.

Nada Abdul Razaq Askar a travaillé pour le Conseil Suprême en charge des affaires familiales et de la femme de Sharjah, dirigé par Sheikha Jawaher bint Mohammed Al Qassimi, avant d’être nommée à ce poste.

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GRAINES DE CHAMPIONNES. PORTRAIT DE QUATRE SPORTIVES MEDAILLEES.

« Faire du sport, c’est aussi une façon de vivre selon nos traditions »

Moza a commencé le tir à l’arc à l’âge de 11 ans. Dans son école Alzuhour à Sharjah, ils distribuaient de la documentation sur ce sport. « Tiens c’est nouveau, me suis-je dit, je vais essayer. Le Prophète - que la paix soit avec Lui- nous dit d’enseigner la natation, le tir à l’arc et l’équitation à nos enfants. Donc c’est aussi une façon de vivre selon nos traditions. » Le tir à l’arc n’est pas encore un sport très développé aux Emirats comme le sont le football, le volleyball, l’équitation ou le tir, mais des équipes et des écoles voient le jour. Jusqu’à peu la seule équipe était au Sharjah Ladies Club (SLC) et le pays ne compte qu’une douzaine d’archers. Moza semble réunir toutes les qualités requises pour y exceller : concentration, calme et force. Et il en faut en effet pour tendre l’arc. « J’ai commencé au niveau 18, le plus faible, maintenant je suis à 38, le maximum, annonce-t-elle. Je suis le meilleur archer féminine des Emirats, » avoue-t-elle fièrement. Moza a participé pour la première fois à une compétition réunissant les pays d’Asie à Irkousk en Russie en 2012. « Nous sommes arrivés 9ème. Ma mère m’a accompagnée. Mes parents sont très fiers. Je veux devenir professionnelle et être connue à l’étranger, » explique la jeune collégienne dont la maman se réjouit de voir sa fille pratiquer un sport. « Ma mère ne pouvait pas faire de sport à son époque et elle est heureuse que je puisse. » Moza a un nouveau but : se préparer aux Jeux Olympiques de 2016. Gymnastique, poids, Moza s’entraîne trois fois par semaine en tous cas avec Amira Nada, sa coach qui fut la première championne arabe de tir à l’arc. Pour ce qui est de son avenir, Moza espère étudier l’architecture à l’université américaine de Sharjah et continuer à exercer sa passion. « J’espère que je pourrais continuer lorsque je me marierais parce que certains maris n’aiment pas que leurs femmes pratiquent un sport. Ils veulent qu’elles restent à la maison. »

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« Cela nous met à l’aise de faire du sport entre femmes »

Voilées et en survêtement, Mariam et Hannah, n’en restent pas moins féminines. Elles sont respectivement spike number 2 et setter en première section de volleyball, sponsorisées par le SL. A respectivement 19 et 18 ans, cela fait cinq ans qu’elles pratiquent ce sport et ont décroché quelques médailles et victoires pour l’équipe nationale junior des Emirats Arabes Unis dont elles font partie: seconde place au tournoi réunissant les pays du Golfe en 2011 et première place au tournoi des pays arabes. Mariam a voulu marcher dans les traces de son père, commandant dans l’armée de l’air, qui jouait déjà au volley. Le club de Sharjah lui en a donné l’opportunité. « Ici, nous n’avons pas encore beaucoup de qualifications sportives et pas d’autres endroits où les exercer. Nous sommes musulmanes et cela nous met à l’aise de pouvoir faire du sport entre femmes.» Hannah, quant à elle, faisait partie des sportives de Waset Model School , son école à Sharjah. Natation, gymnastique, basketball, ping pong, elle s’y est essayée, avant de littéralement découvrir le volleyball. La jeune fille qui souhaite part ailleurs intégrer l’université de Sharjah en génie électrique, parle avec passion des maths, de la physique et… du volleyball. « J’aime ce sport parce qu’il s’agit plus de briller comme groupe, comme équipe que comme individu. Il faut vraiment faire confiance à ses partenaires, vous dépendez d’eux. Et il y a beaucoup de stratégie et de réflexion. Et ce club est comme une famille, » explique-t-elle. « Ma mère est ma plus grand fan ». Et son père ? « Il a peur que je voyage seule ou que je rentre tard. Et il n’apprécie pas que je sorte beaucoup, » avoue-t-elle. Dans la famille, une de ses quatre sœurs a pourtant pratiqué le basketball avant d’arrêter pour se consacrer à ses études de dentisterie. Quant à l’un de ses six frères, c’est un athlète : il pratique la boxe, le « cage fighting » porte les couleurs de Redbull. « Mais, à cause de nos traditions, c’est plus facile de pratiquer le sport pour les garçons. Ils peuvent aller où ils veulent quand ils veulent, jouer partout à tous moments. Ils n’ont pas besoin de porter un voile. Nous n’avons pas cette liberté. Et nous ne jouons pas aussi bien avec le voile. Bien sûr, nous suffoquons dessous, avoue-t-elle. Il faut chaud. » Entre elles, les sportives jouent en T-shirt et bandana. Mais lorsque les matchs sont retransmis à la télé, elles se couvrent en pantalon, body, T-shirt à manches longues et hijab. Les jeunes filles concèdent y être habituées et s’accordent à dire qu’elles ne remettent pas en cause le port du voile. « Ce qui ne nous semble pas compréhensible aujourd’hui, prendra son sens à l’avenir, comme porter le voile. Jeune, on ne comprend pas toujours ce qui est bon pour nous, » explique Mariam. Par contre, elles souhaiteraient un peu plus de liberté pour les déplacements à l’étranger. Mariam a déjà participé à des compétitions internationales au Koweit ou en Egypte car sa famille est ouverte d’esprit. « Mais pour certaines filles ce peut être un problème ». Quoi qu’il en soit, elles sont conscientes des progrès accomplis. Du temps de leurs mères, les femmes ne pouvaient pas sortir ainsi et un tel club n’existait pas. « Elles étaient mariées à 16 ans et leurs familles ne les auraient pas laissées pratiquer un sport comme c’est le cas pour notre génération. Les choses évoluent. Je me marierai après avoir terminé mes études universitaires et rien n’est planifié. Ma famille choisira des candidats mais je prendrai la décision finale,» explique Mariam. Joueront-elles aussi souvent et aussi intensément, elles ne peuvent le garantir mais le volleyball restera dans leur vie, en amateur ou en tous cas « pour rester en forme ». Pour le moment, Mariam est étudiante à la Zayed University de Dubai et pense à une carrière dans les relations internationales ou la politique. Et caresse un rêve lointain : « devenir pro de volley ». Inch Allah. Elle est motivée puisqu’elle s’entraîne 4 à 5 jours par semaine en temps normal et jusqu’à six jours en temps de compétition. « Nous avons aussi des campings d’entraînements où nous nous entraînons deux fois par jour et sommes soumises à des règles strictes : extinction des feux à 22h00, lever aux aurores, 12 heures en camp. » « Et ils nous enlèvent nos portables pour être sûr qu’on dorme ! » plaisante Hannah.

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Yasmin, championne de tir à la carabine, un sport en plein essor chez les femmes

Yasmin Abdul Rahman est la championne attitrée de tir à la carabine à air comprimé des Emirats Arabes Unis. Du haut de ses seize ans, cette jeune adolescente affiche la détermination propre aux athlètes de sa catégorie. Et aujourd’hui, elle est déçue car elle n’est arrivée qu’en deuxième position de la compétition organisée en interne par le Sharjah’s Ladies’s Club dont elle est membre. « Ce n’est pas un sentiment agréable de finir deuxième, dit-elle. Mais on ne peut pas toujours être la première. C’est une petite compétition, minimise-t-elle, il vaut mieux être en tête lors des matchs importants ». C’est dit. Mais elle a beau dédramatiser cette petite défaite, son visage affiche une moue renfrognée. Elle qui virevoltait au milieu de ses comparses quelques minutes plus tôt, se laissant passer la main dans ses cheveux auburn coupés en brosse par ses camarades toutes voilées, leur lançant des boutades les faisant manifestement rire, semble accuser le coup. Car la jeune Emiratie a deux ambitions : pratiquer le tir en professionnelle et se qualifier pour les J.O. de 2016 au Brésil et devenir ingénieure en pétrole. On la sent qui bouillonne. Et pourtant, le tir demande concentration, discipline, force, équilibre et… patience. Elle reconnaît qu’elle a de la peine à se contenir. « Le tir m’aide, admet-elle, avant j’étais encore plus impatiente ». Serait-ce son côté russe hérité de sa mère, originaire d’Ijevsk, la capitale d’Oudmourtie à l’est de Moscou ? Cette mère grâce à qui, justement, elle a commencé à pratiquer le tir deux ans plus tôt. « Elle a lu dans un article qu’ils cherchaient des filles pour pratiquer le tir à Abu Dhabi et m’a demandé pourquoi je n’essayerais pas… On a trouvé ce club –il y en a deux aux Emirats, l’autre est Al Ain. Et voilà, » conclut-elle. Yasmin va droit au but comme lorsqu’elle tire. Ses réponses fusent, courtes et efficaces. Quant à son père, originaire de Dubai, « il ne s’est pas du tout opposé à mon choix. Il pense que chacun doit faire ce qui lui plaît ». Chez Yasmin, les deux cultures russes et émiraties, cohabitent ; les deux religions, orthodoxes et musulmanes coexistent sans poser de problème. Tout comme elle évolue sans voile. « Je n’en porte pas et n’en porterais pas». Dubai est la ville de Yasmin et elle est fière d’en représenter les couleurs. Elle est arrivée troisième aux jeux arabes en mars 2012 et première aux jeux du Golfe en novembre de la même année. Des résultats qui ont un prix. En plus de fréquenter l’école Amna bint Wahab de Dubai, elle n’hésite pas à faire 30 minutes de route pour venir s’exercer 4 heures tous les deux jours à Sharjah. Des filles championnes de tir au pistolet et à la carabine, un sport traditionnellement réservé aux hommes, ce n’est pas encore quelque chose de tout à fait naturel dans la région, même si l’administration les soutient. Aux Emirats, les femmes subissent le même entraînement que les hommes dans l’armée au sein du Khawla bint Al Azwar Training College, ou dans la police au sein du Dubai Police College. C’est l’un des plus grand progrès du pays vers l’égalité des sexes. Alors, Yasmin est ses compagnons d’armes contribuent tous les jours à inspirer de nouvelles candidates à ce sport.

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Le Sharjah Ladies Club en deux mots

Créé en 1982 sur l’initiative de Sheikha Jawaher bint Mohammed Al Qassimi, présidente du Conseil suprême en charge des affaires familiales et des femmes, le Sharjah Ladies Club est l’organisation pionnière de « femmes pour les femmes » aux Emirats Arabes Unis (E.A.U). Celle qui est aussi l’épouse du souverain de l’émirat de Sharjah, Sheikh Sultan bin Mohammed Al Qassimi, avait alors pour ambition de créer un espace où les femmes pourraient exercer leurs passe-temps et autres activités comme le sport en toute liberté à l’abri du regard des hommes. Depuis sa création, nombre de clubs réservés aux femmes ont vu le jour aux E.A.U, les encourageant à pratiquer des sports et autres activités créatives. Intimité et sécurité sont les principes de base du Club qui s’emploie à soutenir et améliorer la condition des femmes dans la société. Le SLC collabore avec le Conseil suprême en charge des affaires familiales et des femmes ou le Conseil des femmes d’affaires de Sharjah notamment lors de la dernière campagne nationale de sensibilisation au cancer du sein « The Pink Caravan ».

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