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Rencontre avec Sheikha Bodour, éditrice et fille du ruler de Sharjah

Publié le par Kyradubai

Rencontre avec Sheikha Bodour, éditrice et fille du ruler de Sharjah

Assise au milieu de la rumeur du 31ème Salon International du Livre de Sharjah qui se tient du 7 au 17 novembre au Centre d'Exposition de l'Emirat du même nom, Sheikha Bodour bint Sultan Al Qasimi, raconte comment a commencé sa passion pour les livres. Les yeux pétillants, savourant un lugaimat et une tasse de thé, cette ravissante entrepreneuse de 35 ans ne se lasse pas de voir combien les histoires qu'elle publie réjouissent son jeune public. Sa maison d'édition, Kalimat, spécialisée dans la littérature jeunesse en arabe, a maintenant cinq ans et vient de devenir membre de l'Association Internationale des Editeurs (IPA). INTERVIEW.

Comment vous est venue l'idée de promouvoir ainsi le livre aux Emirats Arabes Unis?

Cela a démarré il y a sept ans. Ma fille avait trois ans et je commençais à lui lire des histoires, entre autre, avant d'aller dormir. Mais elle sentait que je manquais d'enthousiasme envers ces livres qui étaient à disposition. Comme je ne les aimais pas, automatiquement, elle ne les aimait pas non plus. J'ai commencé à me demander où étaient les livres émiratis sur notre culture, nos histoires, notre peuple, nos traditions. J'ai demandé aux mères autour de moi et j'ai constaté que tout le monde se posait la même question et éprouvait la même frustration. Alors j'ai commencé avec quelques livres en me disant "on verra" et c'est comme ça que tout a commencé. C'était en 2007. On a débuté avec cinq livres à Kalimat et ce fut un succès immédiat! Tout le monde s'est accordé à dire que nous avions capté un marché qui était dormant depuis longtemps. Nous avions besoin que ces histoires voient le jour. Et aujourd'hui, nous avons 100 titres, beaucoup d'auteurs et d'illustrateurs émiratis.

Publiez-vous uniquement en arabe?

Depuis le début, oui, nous publions uniquement les livres en arabes. Nous achetons quelques livres traduits mais 90% de notre contenu est local. La raison pour laquelle nous achetons est d'intéragir avec d'autres éditeurs, de développer notre réseau et aussi afin d'ouvrir des portes à nos écrivains locaux. Par exemple le "YA market" (Young Aduls market), le marché adolescent, était très peu développé et nous avons décidé d'acheter et de traduire afin d'encourager nos écrivains en les persuadant qu'il existe un marché pour ce genre de livres- Et aujourd'hui, nous avons des auteurs spécialisés dans ce domaine aux Emirats Arabes Unis. Donc c'est positif et nous allons de l'avant.

Et comment les livres sont-ils accueillis par les enfants? J'imagine que vous vivez cela aussi à travers les yeux de votre fille...

J'ai trois enfants à présent et ils ont grandi avec les livres de Kalimat. On peut voir un changement dans notre culture de la lecture. Avant il s'agissait plus d'apprendre des livres, les histoires devaient être éducatives. Ajourd'hui c'est plus récréatif et les enfants ont du plaisir à lire les histoires. Et le fait qu'ils y trouvent du plaisir les pousse vers les livres. Même s'ils n'apprennent pas aussi directement cela crée un lien entre eux et le livre.

Cela leur procure le goût de lire?

Oui et c'est le début de nombreuses initiatives. Il y a de plus en plus de nouveaux écrivains et d'illustrateurs talentueux. Nous avons aussi lancé le UAE Board on Books for Young People dont je suis la Presidente ici. C'est une organisation qui réunit l es écrivains, les professionnels en général intéressés par les livres pour enfants. Nous avons de nombreux ateliers pour les libraires, les illustrateurs et les écrivains. Et des ambassadeurs. Salha Ghabesh (voir le photoreportage sur Salha Ghabesh, auteur de livre pour enfants. Son dernier ouvrage est "Le voyage de Dana") est une de nos ambassadrices cette année. Ces ambassadeurs sont nos joyaux. Ce sont nos écrivains et nos illustrateurs qui représentent les Emirats dans les conférences internationales et nous les impliquons dans les communautés locales afin de promouvoir la culture du livre et le goût pour la lecture auprès des enfants et d'autres publics.

Vous avez du être le témoin d'un grand changement au niveau du public et de la fréquentation depuis 31 ans que ce Salon du livre existe?

J'ai grandi avec ce Salon du livre. J'aurais 35 ans le mois prochain et depuis que j'ai trois ans je suis venue chaque année. Je me souviens qu'il avait lieu dans une tente et maintenant c'est un hall énorme! C'est devenu un véritable trésor national. Les gens pensent à Sharjah et à son Salon du livre. Nous en sommes vraiment fiers ici.

Quand vous pensez à Sharjah alors que vous étiez petite fille et l'Emirat tel qu'il est aujourd'hui, qu'est ce qui vous vient?

Ça reste familier et c'est vraiment important. Vous savez cette impression que l'on ressent lorsque l'on quitte un pays et que l'on y revient et qu'on ne le reconnait pas... On ne se sent plus connecté à cet endroit. Pour moi, Sharjah reste familier. Il y a de nombreux aspects culturels à Sharjah: les monuments, l'architecture, un ville islamique, on se sent au moyen-Orient.

Vous avez d'ailleurs fait des études en anthropologie à Cambridge et UCL. Qu'avez-ressenti loin de votre pays?

J'ai choisi cette matière car j'aime les gens et et j'aime découvrir d'autres cultures.

(Sheikah Bodour s'interrompt une minute afin de savourer un lugaimat, une sorte de petit beignets trempé de miel et parsemé de graines de sésame, qui se marie admirablement avec l'amertume du thé.)

Nous avons un livre sur les lugaimat. Nous le sortons le 13 novembre, "When the Camels Craved Dumplings". C'est une boulette de pâte typiquement émiratie et le livre raconte l'histoire de ce chameau qui adorait les lugaimats. L'auteur est émirati et durant le lencement de son livre nous en servirons sur le stand!

Pour en revenir à mon arrivée à Cambridge, cela a été un grand choc culturel. J'avais 18 ans et nous n'étions pas aussi cosmopolite. Il n'y avait pas autant d'étrangers qu'aujourd'hui, ici. Il a fallu que je m'adapte à un nouveau pays, une autre culture, mais c'était la meilleure expérience de ma vie. Cela m'a façonnée en tant que personne et m'a définie.

Les livres que vous publiez gravitent tous autour de la culture émirati et l'identité?

Oui car si vous réféchissez à notre pays, nous sommes très jeunes et très ouverts à de nombreuses nationalités et pays et les enfants qui grandissent ici sont très imprégnés par d'autres cultures, ce qui est formidable. Cela les rends ouverts et instruits mais il faut aussi garder une forte identité. Pour qu'un enfant développe son estime de soi et une bonne connaissance de soi-même, il doit savoir se situer, d'où il vient, qui il est. Et à travers ces histoires, on peut les rendre de fiers de ce qu'ils sont et d'où ils viennent. Et ils peuvent exporer, voyager n'importe où dans le monde mais ils sauront qui ils sont véritablement, au fond d'eux-mêmes.

Réagissent-ils différemment aux histoires locales, traditionnelles?

oui, je crois. Ils se reconnaissent dans les livres, peuvent s'identifier aux personnages, à l'environnement, aux mots, à beaucoup de choses. Et c'est important.

Ecrivez-vous?

Oui mais je ne publie rien car on est plus critique envers soi-même qu'envers les autres et je suis très critique sur tout ce que j'écris mais j'espère que l'année prochaine une partie de mon travail sera publié.

Votre père, Son Altesse Sheikh Dr Sultan bin Mohammed Al Qasimi, Membre du Conseil Suprême et Ruler de Sharjah, écrit n'est-ce pas?

Oui il est poète, historien et dramaturge.

Il vous lisait des histoires?

Oui, nous avons grandi au milieu des livres. Durant des années et des années, il nous a raconté des histoires datant de son enfance. Et nous l'avons supplié de les mettre sur papier car sinon elles seront perdues. Nous l'avons poussé à écrire ces histoires et maintenant il a écrit tellement de livres. Il en sort un chaque année. Ces histoires personnelles sont très importantes, elles nous façonnent. Il a eu une vie passionnnante.

Quel est l'écrivain ou les écrivains que vous affectionnez particulièrement?

Le poète perse Jalāl ad-Dīn Muhammad Rūmī. J'aime beaucoup ses poèmes, je les lis régulièrement.

Pour info: le site de Kalimat

http://www.kalimat.ae/

KyraDubai

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