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Kamelia Zaal les pouces verts « Nous faisons tout avec passion »

Publié le par Kyradubai

 Kamelia Zaal les pouces verts  « Nous faisons tout avec passion »

Kamelia Zaal, paysagiste, parle de son parcours, de ses préoccupations et de son engagement pour l’environnement, de sa famille qui a toujours été un peu en avance sur son temps, et de son regret de ne pas voir Emiriens et expatriés se fréquenter plus.

INTERVIEW.

KAMELIA BIN ZAAL est la fille de Mohammed Zaal, le concepteur d’Al Barari, un homme d’affaire émirien passionné et visionnaire, qui peut se targuer d’avoir créé l’un des quartiers résidentiels les plus exclusifs de Dubaï. Après avoir partagé un jus de fruit frais minute sur la terrasse du Farm, le restaurant design et ombragé du resort, Kamelia me fait visiter la pépinière et les nombreuses espèces reproduites par Green Works ainsi que le plus gros compost du pays. Nous discutons de certains arbres et de leurs particularités. Avant de la laisser retourner auprès de son bébé de deux mois, je la prends en photo au milieu d’une des serres et soudain je réalise que cette amoureuse des plantes porte un nom de fleur. « Oui, dit-elle en riant, je ne sais pas si mon père m’a appelée Kamelia pour la fleur ou après le prénom de son premier amour ». Providentiel quoi qu’il en soit. Et Kamelia s’en retourne aussi simplement qu’elle est venue : ni fard, ni talon, ni chichi, ni robe dernier cri, aussi naturelle que la passion qui illumine son regard. Second Nature, sa compagnie, est décidément un nom tout à fait adapté.

Comment votre carrière a-t-elle débuté ?

J’ai appris en me développant. De nombreux architectes paysagistes sont assis derrière leur bureau et ne se plongent pas suffisamment dans leurs projets. Ils dessinent mais ignorent l’aspect pratique sur les sites, la gestion des développeurs et la gestion de projets. J’ai fait tout ça. Lorsque je me développais et que je mettais en pratique le paysagisme, nous travaillions spécifiquement sur Al Barari. Nous avons cru à partir d’Al Barari. Bien sûr, il y avait une équipe complète d’ingénieurs (lumière, irrigation, architectes paysagistes). C’était incroyable à observer.

Comment tout cela est arrivé ? C’était un terrain désert au départ ?

Mon père en a eu la vision. Il adore les plantes, la verdure. Quand nous voyageons, nous visitions toujours des pépinières, nous achetons des plantes et les ramenons. Cela a toujours fait partie de nos vies. Depuis tout petit, notre père était dans le jardin.

Cela provient-il du fait que vous veniez d’un pays de déserts ?

De nombreux émiriens aiment sincèrement les plantes et cela vient probablement du manque de plantes. Ils font pousser leurs propres légumes et ont des vergers de dates. Toutes ces cultures... La plupart des maisons de locaux ont de grands jardins et très verts. C’est inné chez mon père. Il adore vraiment ça. J’ai hérité cela de lui.

Les pouces verts ?

Tout à fait. J’ai partagé cela avec mon père si longtemps, c’était une progression naturelle pour moi. En fait, je travaillais pour le gouvernement. Je ne faisais rien de créatif alors que j’ai une formation artistique. J’ai eu besoin d’un changement et j’ai tout de suite pensé au paysagisme. Mon père m’a dit « Tu as un bon boulot… Que fais-tu ? »

Et que faisiez-vous ?

Je travaillais pour DDIA (Dubai Development Investment Authority). J’ai travaillé à Tecom à Dubai Internet City et pour le Press Club. J’ai gravi les échelons dans différents départements. J’adorais travailler pour le gouvernement. C’était une opportunité en or de participer au développement de Dubaï. J’en étais très fière. Mais il me manquait vraiment l’aspect créatif alors j’ai viré des bords et me suis lancée dans le paysagisme.

C’est comment de travailler avec son père ?

Elle rit. Vous apprenez comment l’autre travaille, pense et réagit aux autres, aux clients. C’était énorme mais une grande courbe d’apprentissage. Entre nos disputes, ce fut une opportunité de développement pour tous deux. Créer ce que nous avons créé… C’est intéressant ce que nous avons partagé, comment nous nous sommes transmis ce que nous aimons et n’aimons pas. J’ai appris sur les plantes à fleurs. De mon côté, j’ai toujours été plus contemporaine et moderne dans mon design de paysage. Pas tellement dans les fleurs. J’aime les plantes structurelles. J’ai appris comment utiliser des programmes de plantations ( ?) et maintenant mon père aime les programmes de plantations modernes. Nous avons appris l’un de l’autre, c’est fantastique.

Vous êtes l’aînée ?

Oui mais ils m’appellent le bébé de la famille. J’étais la première à m’impliquer dans Al Barari parce que mon père voulait mettre l’accent sur le paysage.

Vous avez donc toujours été une passionnée d’environnement ?

Oui, toujours.

Racontez nous l’histoire de cette terre ?

Mon père cherchait une maison de famille et nous n’avons jamais trouvé ce qui nous plaisait localement. Mon père voyait tous ces designs ramenés par ma mère des Etats-Unis. Nous avons réalisé qu’il y avait un vrai manque de maisons de famille fonctionnelle, belles dans un environnement conçu autour. Comme mon père avait déjà en tête de développer une pépinière et de trouver une terre pour ce projet –il voulait ramener au premier plan le vert et l’environnement dans notre culture- nous avons réuni les deux concepts. Nous avons créé un environnement dans lequel vivre plutôt qu’une simple maison dans laquelle habiter, l’environnement passant après. Mon père a vraiment brisé le moule de la mentalité de tout le monde ici. Ils construisaient tous des cubes : Emaar, Nakheel… Des cubes avec des routes, quelques arbres et le plus de maisons possible dans un espace défini. Mon père a fait l’opposé : 80% de paysage et 20% de construction. Nous offrons de magnifiques maisons mais dans un magnifique environnement.

Comment cela est-il économiquement viable ?

C’est très haut de gamme. C’est du luxe. Nous parlons d’un marché très différent. Il faut accepter de payer un peu plus pour vivre à Al Barari. En échange, c’est d’abord un très bel endroit que ce soit les enfants qui y jouent librement, de rencontrer vos voisins, vous saluer, ce sens de la communauté qui manque tant dans d’autres projets de développement. C’est quelque chose que nous avons ravivé. Se rencontrer, se parler, se mélanger. C’est aussi la raison pour laquelle il y a un désengagement entre les Emiriens et les expatriés. Nous ne nous mélangeons pas mais à Al Barari nous avons créé ces petits groupes de maisons qui facilitent la rencontre entre voisins et les jardins entre les maisons où les enfants peuvent jouer. Nous voulions réunir les gens et cela a marché. Les gens commencent à se connaître.

Pourquoi y a–t-il si peu de contact entre locaux et étrangers ?

C’est devenu comme ça. Dubai a commencé à boomer avec l’exploitation du pétrole. Tout le monde se fréquentait car c’était une toute petite communauté. Mais comme les communautés sont devenues énormes très vite, les expatriés se sont sentis plus en sécurité avec les leurs.

C’est aussi un phénomène urbain ?

C’est triste. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a demandé d’où je venais. Lorsque j’ai dit Emirienne, elle n’y a pas cru parce que j’étais la première locale qu’elle croisait en trois ans ! Je lui ai dit que je trouvais cela très triste. Oui, je suis un peu différente car je suis mixte mais est-ce une raison pour ne pas se saluer. Porter une abaya ou une sheila n’est pas un rempart empêchant les gens de communiquer. Cela ne devrait pas les empêcher d’ouvrir la porte. Est-ce un manque d’éducation de notre part ? C’est un problème qui provient des deux côtés. C’est très intimidant cette communauté expatriée qui a grandi autant si vite. Pour moi c’est difficile aussi. Vont-ils avoir trop bu quand je les salue ? Travailler sur cette problématique était central pour mon père.

Combien de nationalités vivent à Al Barari ?

Khazakstan, Azerbaidjan, Pakistan, Suisse, Inde, Grande Bretagne, Ecosse, Arabie saoudite, Emirats. C’est un beau mélange et ils se fréquentent.

Le fait de venir d’un couple mixte vous ouvre le yeux sur les deux côtés ?

Mon père était plus ou moins le premier de sa génération à aller à l’étranger, y étudier, ramener des femmes étrangères et les épouser (elle rit) ! C’était nouveau !

Comment l’expliquez-vous ?

Ma famille a toujours eu de l’avance sur son temps, en tous cas dans notre culture. Ce n’était pas un problème mais je suis sûre que ça l’était dans d’autres familles. Je ne suis pas très conservatrice. Nous avons toujours été un peu différents. Les femmes de ma famille ont étudié à l’étranger avant tout le monde. Cela fait partie de notre ADN : nous avons toujours été forts, indépendants, historiquement aussi.

Venez-vous d’une famille bédouine ?

Nous sommes originaires d’Abu Dhabi. Notre tribu fait partie des Al Nahyan. Nous venons de la même faction. Nous sommes cousins. Et une partie de notre famille vient de Dubaï.

Que faisait votre grand-père ?

Au départ, il travaillait au port de Jebel Ali port. Il traduisait pour Sheikh Rashid. Il a appris l’anglais à Bombay et était un des rares locaux à le parler. De nouveau très en avance. Il était commerçant. Perles, tapis et petit à petit il a épargné et acheté de la terre. Il est devenu développeur de constructions individuelles. Mon père a probablement hérité ça de mon grand-père et l’a développé.

Al Barari est situé sur des terres royales ?

Nous avions beaucoup de terre à Deira, Makhtoum street (vieux Dubaï). Pour cette parcelle ici, Nad Al Sheba, nous avons obtenu une permission particulière de l’émir. Il a choisi le nom. Al Barari veut dire étendue sauvage.

Une telle profusion de verdure au milieu du désert est-elle respectueuse de l’environnement?

Toute notre eau provient des égouts. Nous avons un pipeline venant directement de la municipalité. Cela fait partie de la stratégie mise en place par mon père. Nous traitons l’eau et la filtrons and elle va ensuite dans nos canaux et dans le système d’irrigation dans son entier. Mais nous offrons deux possibilités aux clients des villas : l’eau de DEWA (Dubai Electricity and Water Authority) ou cette eau. Certaines personnes n’aiment pas l’idée de l’eau recyclée pour leurs jardins alors que c’est la meilleure…

En gros il s’agit d’eau de mer, désalinisée, usée et réutilisée ?

Oui. Et en plus nous mettons à profit la topographie du paysage. Nous n’avons pas aplati le terrain et cela contribue à la baisse de la température et permet au vent de souffler dans les maisons. Il y a moins d’évaporation. Nous avions aussi besoin de beaucoup d’ombre et c’est la raison pour laquelle nous avons planté tous ces arbres. Nous avons varié les espèces. Nous avons planté de grands arbres autour d’Al Barari pour protéger le site de la poussière du désert. Et nous utilisons d’autres arbres moins gourmands en eau à l‘intérieur. Nous essayons d’équilibrer. Nous avons planté un type d’acacia du désert qui est en voie d’extinction. Nous les faisons pousser et les replantons. Cela fait partie de notre engagement environnemental.

Combien d’eau utilisez-vous par mois ?

Beaucoup. Nous ne nous en cachons pas. Mais cela baisse en raison de toute l’ombre que nous avons créée dans de nombreuses zones. Plus nous arriverons à maturité, moins nous utiliserons d’eau.

Comment Dubaï peut-elle devenir plus durable ?

Cela doit commencer à la maison et l’éducation des enfants est la clé. Si nous apprenons à nos jeunes générations, expatriées ou locales, comment recycler les déchets, les eaux usées, les économies d’électricité, et toutes ressources que nous utilisons quotidiennement. Si nous leur enseignons comment mieux les utiliser et les apprécier, les choses changeront. Maintenant c’est très difficile. Les expatriés sont plus au courant car ils ont été alertés plus tôt mais c’est difficile de prendre le pli pour les familles émiriennes.

Il y a tant de choses à digérer en même temps…

C’est vrai. Une autre chose qui finira par arriver est l’exploitation des eaux grises. Nous y arrivons dans la phase 2 de notre projet. L’eau grise provient des machines à laver, des éviers, des douches. Il est possible de la récupérer et de l’utiliser dans le jardin. Cela permet de consommer beaucoup moins d’eau. Les panneaux solaires aussi doivent faire partie de l’éducation et le gouvernement doit encourager l’énergie solaire. Il n’y a aucune raison qu’un pays comme le notre n’exploite pas l’énergie solaire, simplement pour chauffer notre eau.

Shams 1 and 2 sont des projets d’envergure?

Oui mais je crois que tout commence à la maison. Si les individus change, le pays peut changer. Le gouvernement peut passer des lois mais si il n’encourage pas les gens à le faire chez eux… Et cela commence par l’éducation. Nous le faisons ici. Nous montrons aux enfants les plantes, l’eau : beaucoup d’écoles viennent en course ici à la pépinière. Une fois par mois. Nous pensons que si nous rendons pas à la communauté ce que nous faisons n’a pas de sens. Eduquer les jeunes fait partie de nos activités.

Combien avez-vous investi dans les plantes ?

C’était probablement notre plus grand investissement. Mais nous pouvons aussi faire pousser nos propres plantes. Donc la pépinière prend le pas sur l’investissement initial.

Elle est ouverte au public ?

Absolument. Pour réduire les coûts et éviter d’infecter l’environnement, il est central de le faire.

Importer des plantes peut être dangereux ?

Il faut faire très attention aux plantes invasives. Nous avons un spécialiste qui travaille pour nous, se ballade et attrape les insectes dans Al Barari et la pépinière. Elle découvre des espèces. Si nous trouvons un insectes qui permette de se nourrir de ce qui détruit les plantes… Nous évitons aussi les pesticides donc cela peut aussi être un insecte qui tue les moustiques. Nous l’évitons à tout prix. C’est crucial car nous ne voulons pas infecter les Emirats avec un insecte qui a pu être importé par une plante. Elle contrôle aussi toute prolifération de moustiques. Nous essayons d’utiliser le plus de matériaux bio possible. Avec toute les constructions et la maintenance, il y a beaucoup de chutes, de bois, palettes, copeaux etc. Nous les broyons et faisons notre propre compost. Nous récupérons aussi les déchets des autres développeurs. Nous avons le plus grand compost du pays. Et nous prévoyons aussi d’avoir une ferme bio.

D’où vous vient l’inspiration ?

Mon père (elle rit). Ma mère qui est dans le design d’intérieur. Nous voyageons beaucoup et nous inspirons des choses que nous aimons. Mes voyages d’architecte. Je suis plutôt formelle dans mes goûts intérieurs. Pour ce qui est des plantes j’ai été plutôt influencée par mon père mais aussi par les voyages. Je fais beaucoup de charité. Je fais des voyages avec Gulf for Good. Ils organisent des treks et c’est à vous de lever les fonds pour le voyage et des organisations d’aide à l’enfance dans le pays. C’est une bonne expérience : j’ai gravi le Kilimanjaro par exemple. Mais en même temps vous faites quelque chose pour le pays en question. J’ai toujours travaillé avec Dubai Cares pour la construction d’écoles. Et pour Senses, special needs. Mon mari a aussi une compagnie de produits domestiques eco-friendly. Si quelqu’un en achète, un dirhams part chez Senses. Nous sommes toujours engagés.

Il est Emirien ?

Non Cypriote turque. Je ne pensais jamais rencontrer quelqu’un à Dubaï. Les gens sont de passage la plupart du temps et il y a un certain niveau de superficialité. Je suis tout l’opposé, les pieds sur terre.

Toute votre famille vit à Al Barari ?

Oui c’est aussi quelque chose que les clients apprécient. Nous n’avons pas bâti Al Barari que pour faire de l’argent mais pour nous-mêmes. Le Farm en est le parfait exemple. Nous adorons manger. Toute notre famille gravite autour de la nourriture et nous communiquons avec cela. Chez nous tout est autour de ça. Le restaurant n’était qu’une évolution naturelle : partager avec les gens de bons produits pas trop chers. Nous faisons tout avec passion et cela marche bien car en tant que famille nous nous équilibrons. Mon père a la vision, c’est le Chairman. Mon frère s’occupe des affaires courantes. Ma mère du design d’intérieur, de l’architecture. J’ai la formation paysagiste et ma sœur nous a quittés pour développer son propre projet de développement, Nourai Island à Abu Dhabi. Elle a bout touchant.

Kamelia Bin Zaal en quelques mots

Moitié émirienne-moitié écossaise

A vécu en Angleterre jusqu’à 20 ans

Revenue vivre avec son père

In and out des UAE toute sa vie

Travaille depuis 7 ans avec sa famille sur Al Barari

Landscape creative Director- a lancé sa propre compagnie de , Landscape Design, Second Nature en 2006

Etudes à Inchbald School of Design, Londres

Diplôme en Garden Design

L’eau aux Emirats : quelques chiffres

Il existe une préoccupation croissante aux EAU au sujet de l’irrigation. L’agriculture consomme plus de 60% des réserves d’eau du pays alors que le secteur ne contribue qu’à 1% de l’économie.

De l’eau potable est disponible à 100 kilomètres sous la surface de la terre.

L’eau souterraine représente 63% de l’eau du pays.

Les EAU ont déjà perdu 42% de leurs ressources en eau renouvelable entre 1992 and 2007 selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture.

L’utilisation de l’eau devrait croître de 30% avant 2030.

On estime à 100 milliards de dollars l’investissement en désalinisation dans les pays du Golfe entre 2011 et 2016.

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